Au cœur de l’Avenir de Rennes
Interview exclusive avec la Présidente de l’Avenir
Vieux de plus d’un siècle, l’Avenir de Rennes a connu une multitude d’aventures, de succès et difficultés tout en restant fidèle à des valeurs fortes. Alors nommée à l’époque « patronage de Saint-Étienne », l’association voit le jour au sortir de la Première Guerre Mondiale par l’initiative de deux hommes, Louis Hudin et l’abbé Pellois, qui dans une France meurtrie par les horreurs de la guerre n’avaient qu’un seul objectif en tête : amener paix, cohésion et humanité.
Pour faire unité dans une société déchirée, rien de mieux qu’une association à caractère sportif,
social et culturel. Ici résident les origines de l’Avenir.
Avec 100 ans d’histoire derrière elle, l’Avenir de Rennes a brillé de milles succès à travers ses équipes de haut niveau dans différents sports comme le basket, la gymnastique ou encore ses diverses activités proposées pour être aujourd’hui forte de presque 800 adhérents.
Mais si l’Avenir de Rennes, reconnue dans toute la ville et au-delà, est célèbre par son nom et ses succès, les coulisses de cette grande structure humaine n’en sont pas connues pour autant. Comme toutes les associations ce sont des petites mains qui se cachent derrière la machine sociale, culturelle, sportive et humaine avec ses difficultés particulières.
L’Avenir de Rennes c’est qui, c’est quoi ? Plongeons-nous au cœur de l’Avenir avec comme guide Johanna Ghozland, Présidente de l’association.
Entre salariat et bénévolat : L’Avenir et ses 800 adhérents.
800 adhérents répartis dans plusieurs activités sportives ou socio-culturelles, en voici une masse importante. Pour visualiser ce que représente 800 personnes, il faut prendre un Air-Bus A380-800 entier, plus gros avion de ligne au monde, pour accueillir l’entièreté des adhérents de l’Avenir de Rennes. Si l’image est parlante, ce qui l’est pour l’instant moins c’est le nombre de
personnes qui en sont à la charge.
Pour la plupart des adhérents ou accompagnateurs des plus jeunes, un club ou plus largement une association n’est perçu qu’à travers un.e encadrant.e et le plus régulièrement à travers la figure du bénévole. Et pourtant, même dans le monde associatif, des salariés sont indispensables pour faire tourner la boutique.
Qui sont alors ces petites mains qui ont fait de leur passion un métier ? Pour mieux comprendre les tâches et fonctions de leurs salariés, nous avons la chance de recevoir la Présidente
de l’Avenir de Rennes, Johanna Ghozland.
Johanna : Nous comptons parmi nous une petite dizaine de salariés et une poignée d’équivalents temps partiels. Pour le dire simplement, on forme une petite entreprise avec un ratio salariés-adhérents très important. Par rapport à d’autres associations avec de gros effectifs à charge, nous n’avons pas de « staff » directeur c’est-à-dire un bureau consacré uniquement à la gestion
administrative de l’association. On se retrouve alors dans un entre-deux battant entre la grosse association et son équipe de direction pour garantir un bon fonctionnement, et les plus petites associations qui composent le plus souvent avec un bureau bénévole.
Il faut comprendre qu’aucun salarié de l’Avenir de Rennes n’est déchargé du travail de terrain au profit de la gestion administrative de l’association. Tous et toutes ont cette double casquette, jonglant avec la gestion directe de nos adhérents dans les différentes activités et le suivi des inscriptions, des championnats, des salles etc. Il ne s’agit pas seulement d’entraîneurs sportifs cantonnés à l’encadrement d’une pratique mais bel et bien d’hommes et de femmes se saisissant des enjeux de dynamiques de club, de gestion d’adhérents ou de logistique.
Lorsque l’on parle d’association comme l’Avenir de Rennes, l’on a vite à l’esprit les notions de bénévoles, d’extra-scolaire, de passion ou loisir mais très rarement la question financière.
Comparativement aux entreprises à but lucratif pour lesquelles l’ensemble de la société comprend cet aspect-là, il est plus souvent négligé dans les cas des associations. Peut-être qu’une amplification du tabou autour de l’argent s’y cache, mais il reste tout de même le « nerf de la guerre » sans quoi la vie d’une association peut être mise à mal.
Quelle est alors pour les associations comme l’Avenir de Rennes la réalité financière et son impact ?
Johanna : Même si l’argent n’est pas un but, il reste un moyen essentiel au bon fonctionnement des associations comme la nôtre. Bien sûr il y a les subventions de l’État et, dans notre cas, de la ville de Rennes qui est très volontaire dans la limite du possible.
Notre objectif en tant qu’association est de proposer diverses activités culturelles ou sportives, en championnat ou loisir. En bref, d’offrir un cadre de qualité aux personnes désireuses d’apprendre, de se rencontrer et de faire. Mais tout à un certain coût : salariés, locaux, salles ou engagement d’une équipe en championnat comme au basket. L’inflation dont tout le monde parle n’épargne pas les associations.
Bien sûr, nous avons des solutions à notre portée comme la possibilité de partenariats ou « sponsoring ». Si l’on prend les deux grosses sections de l’Avenir que sont la gymnastique et le basket avec une très forte dominance féminine comme élément identitaire pour notre club, il faut souligner que malheureusement elles ne sont pas très attractives du point de vue de la recherche
partenaire. Il y a une dissonance entre les nombreux discours sur l’égalité et la place des femmes dans le sport et la réalité du terrain. Pourtant les Jeux Olympiques ont démontré l’énorme potentiel et impact médiatique du haut niveau féminin. Aussi, il faut comprendre que l’offre associative et sportive est très forte à Rennes et donc la demande de partenaires l’est également ce qui rend
l’exercice encore plus compliqué.
Nous sommes très fières des partenaires avec lesquels nous travaillons aujourd’hui comme demain. En plus d’apporter un soutien évident, cette démarche permet aussi d’ouvrir un peu plus grand la voie pour le sport féminin et donc le sport pour tous, deux choses qui nous sont très chères.
De gauche à droite, salariés de l’Avenir de Rennes – section basket :
DELACROIX Thomas Entraîneur U13 Région et responsable Mini-basket
LEPINAY Florent Entraîneur U18 Nation et coordinateur Basket sport pour tous seniors
CAIRON Thomas : Entraîneur U15F Nation et coordinateur Basket sport pour tous jeunes
Association et salariat c’est un sujet. Mais association et bénévolat, voilà qui rime tout de même mieux. Presque deux sœurs inséparables. Mais comme dans toute relation fraternelle qui se respecte, tout n’est pas tout rose.
Avant de se pencher plus en profondeur sur l’importance des bénévoles pour les associations, arrêtons-nous un peu sur la longue histoire entre la Présidente de l’Avenir de Rennes et le monde associatif. Longue parce qu’elle n’a pas commencé ici en tant que présidente d’association.
Johanna : Mon chemin dans le monde associatif remonte à mes quinze ans. Aujourd’hui, je suis mère de quatre enfants qui ont tous la fibre basket. Je suis arrivée à l’Avenir il y a quelques années par le biais de l’une de mes filles, mon aînée qui fut attirée par le basket féminin de haut niveau.
Mon investissement bénévole s’est concentrée auprès de la section basket et plus particulièrement sur les parties arbitrages et O.T.M (Officiel de Table de Marque). Lors du départ de l’ancienne responsable de la section basket, j’ai repris le flambeau. Petit-à-petit, par un investissement croissant, je me suis retrouvée à la présidence de l’omnisports.
La porte d’entrée dans le monde associatif a été, dans ton cas, la famille. Ne serait-ce pas la porte d’entrée principale pour la majorité des bénévoles ? Quelles sont les autres biais ?
Johanna : C’est le cas la plupart du temps. On retrouve souvent les parents, voir les grands-parents ou frères et sœurs. Ce n’est pas seulement accompagner à un entraînement, un match ou une autre activité, c’est aller encore plus loin en aidant directement au bon fonctionnement de l’association, lors d’un évènement organisé par le club par exemple. C’est l’une des forces des associations que d’être capable d’englober plus que seulement une personne, l’adhérent, mais également sa famille et l’entraîner dans la dynamique du club. Par là, on se rend vite compte qu’une activité faite par une personne peut en cacher une autre et s’offre alors un panel très large de profils et de petites comme de grandes choses dans lesquelles l’on peut s’investir.
Mais il faut nuancer cet aspect. Certes la famille est une porte d’entrée, mais c’est également une porte de sortie. Une fois les enfants partis, ils emportent avec eux les membres bénévoles de la famille.
Dans le monde associatif, tout n’est pas réduit à une histoire de famille. L’autre porte d’entrée fréquemment utilisée n’est autre qu’être déjà adhérent. Dans ce cas, les motivations sont différentes tournant autour d’une envie de partager une passion, des savoirs-faire et connaissances ainsi que d’apprendre, d’élargir ses horizons. Pour beaucoup, la seule pratique d’une activité n’est pas suffisante et c’est dans l’alliage de la pratique et de l’encadrement bénévole qu’ils y vont trouver un ensemble cohérent. C’est aussi une certaine manière de rendre l’appareil à l’association, d’y apporter sa pierre à l’édifice et de renforcer un peu plus la culture de l’engagement.
La société a évolué vers une mobilité toujours plus accrue de la population qu’elle soit résidentielle ou professionnelle. A la différence des plus vieilles générations, les « jeunes » du 21e siècle sont plus enclins à enchaîner les emplois par exemple. En bref, à bouger dans tous les aspects de leur vie. Tout cela forme un tout.
Quelles sont alors les grands enjeux et difficultés liés au bénévolats et l’âge est-il un facteur si important ?
Johanna : Pour se pencher sur la situation particulière de l’Avenir, il faut comprendre le contexte local dans lequel nous évoluons à Rennes. La ville compte plus de 220 000 habitants pour prêt de 70 000 étudiants. C’est un profil que nous rencontrons souvent dans notre association sur un engagement bénévole. Mais cet engagement peut être complexe par la condition même d’étudiant
sous deux angles : le premier est lié à la mobilité au cours de son cursus ou arrivé à sa fin ; le second réside dans la difficile conciliation entre l’intensité des études et l’investissement bénévole en lui-même. La fidélisation, si l’on peut le dire ainsi, est alors plus compliquée de ce côté-là de la population malgré un vrai dynamisme et une envie de bien faire.
De manière générale, la difficulté n’est autre que la conciliation entre l’investissement bénévole et la vie professionnelle, sociale et familiale du bénévole. A la différence d’un emploi salarié, le bénévole ne perçoit pas de rémunération. Même si cela est compris dans le concept même de bénévolat, c’est un facteur relativement important. Cependant, un investissement bénévole est une riche aventure humaine, c’est avoir l’impression fondée de participer à quelque chose d’utile et fondamentale à la communauté. Une impression qui n’est pas forcément systématique dans le cadre salarié traditionnel.
Aujourd’hui encore, nous ne pouvons pas dire ou même accepter d’entendre dire qu’il n’y a plus de bénévoles et plus particulièrement les jeunes ne veulent plus s’engager. La culture de l’engagement n’est pas morte. Des bénévoles il y en a partout et tout le temps, il suffit d’ouvrir sa porte et de proposer un cadre adapté. La société est en perpétuelle évolution entraînant avec elle des modifications dans la manière de s’engager, de faire usage de son temps libre. Mais disons-le, sans les bénévoles aucune association ne pourrait vivre ou survivre. Chaque bénévole construit l’avenir chez nous.
BARTHELEMY Alyssa (gauche) et DJAPO Lise (droite) bénévoles pour la section basket
Un avenir radieux
C’est au cours de l’été 2024 que l’Avenir de Rennes se voit connaître un retour à ses origines. Après avoir dû quitter leurs locaux en 2019, l’Avenir est de retour rue Papu. Comme disait l’écrivain Victor Hugo « l’avenir est une porte, le passé en est la clé ». Le club rennais ouvre la porte à un futur radieux. Ce n’est pas qu’un simple changement de décor qui s’effectue mais bel et bien un tournant pour l’Avenir de Rennes. De nouveaux locaux accompagnés d’une orientation, ou plutôt d’un retour vers d’avantage d’activités socio-culturelles chères à l’identité historique de l’association. Pour la Présidente Johanna Ghozland, cette démarche est essentielle pour l’Avenir.
Johanna : Il est d’importance pour notre association de renouer avec une telle pratique. C’est un trait de caractère historique pour nous. Préparer les jeunes à la vie adulte par le sport est une chose, mais prise de manière isolée c’est insuffisant à mon goût. Pour moi il existe un trépied indispensable au développement complet de l’humain : le sportif, le culturel et le social. Les trois
parties doivent être comprises comme un tout indissociable. Le retour à rue Papu n’est pas qu’un
déménagement de bureaux pour nos équipes, c’est s’ouvrir à de nouvelles possibilités.
Nous disposons aujourd’hui d’une salle conviviale où des activités autres que sportives peuvent avoir lieu. On rencontre des profils variés, allant de la petite-enfance jusqu’à l’accueil d’autres associations locales. Cette démarche va dans le sens de retrouver une pluralité qu’elle soit dans les activités ou les profils d’adhérents et de bénévoles. Une pluralité où tout le monde peut trouver son bonheur tout en permettant aux gens de se retrouver ici. Nous voulons par là offrir un support de rencontre, créer et recréer du lien dans une société qui évolue vers plus d’isolement, vers un morcellement toujours plus important des choses et des gens.
L’avenir de l’Avenir c’est ça, construire un espace cohérent et pluriel où sportif et culturel
forment un tout permettant aux individus de se réaliser pleinement.
DEBARD Robin